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ETK Onilatki
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25 juin 2012

Le Petit Chaperon rouge (version Onilatki).

Après Cendrillon et La Belle au bois dormant, c’est au tour du Petit Chaperon rouge de passer dans les nuages oniriques d’Onilatki. Chacun conte un conte à sa manière, pas vrai ?

 

Il était une fois, il y a fort longtemps, un village à l’orée d’une forêt. Personne ne s’aventurait dans cette forêt, où régnait, disait-on, un terrible loup sanguinaire. On entendait parfois, à la tombée de la nuit et à l’aube, ses hurlements glaçants.

Dans la dernière maison du village, près de la rivière, vivait, avec ses parents, une fillette aux cheveux noirs et aux yeux dorés. Les villageois se méfiaient d’elle, et aucun enfant ne jouait avec elle, ce qui ne la dérangeait pas, car elle était d’un tempérament plutôt solitaire.

Un jour qu’elle était près de la rivière, la fillette vit une forme rouge dans l’eau. Elle prit un bâton, et récupéra ce qui s’avéra être une petite cape rouge. Elle la rapporta chez elle, la fit sécher, et l’essaya : le petit chaperon lui seyait parfaitement. Ses parents trouvaient que c’était très joli, mais quand elle l’arbora au village, les anciens prirent peur. Etonnée, la fillette demanda pourquoi. Sa mère lui répondit : « peut-être parce que tu ressembles à ta mère-grand, vêtue ainsi.

— Ma mère-grand ? Qui est-ce ? Je le l’ai jamais vue… Où vit-elle ?

— De l’autre côté de la forêt… Nous irons peut-être la voir un jour, quand le loup qui terrorise cette forêt aura disparu. »

La fillette ne trouva pas la réponse de ses parents satisfaisante. Pourquoi les anciens du village avaient-ils été terrifiés de la voir vêtue du capuchon rouge ? Sa mère avait sous-entendu que cela avait un rapport avec sa mère-grand, mais elle ne lui en avait jamais parlé auparavant, et était restée très évasive… L’enfant résolut de se rendre chez sa mère-grand. Pour la trouver, elle avait un prénom, Aëlys : elle avait en effet entendu les villageois le prononcer avec frayeur en la voyant. Elle prit un panier, dans lequel elle déposa du pain et du lait pour la route, ainsi qu’une galette et un petit pot de beurre pour sa grand-mère, et se dirigea vers la rivière. La forêt était dangereuse ? Elle la traverserait en barque, sur la rivière : les loups ne savaient pas nager…

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La rivière faisait une boucle pour entrer dans la forêt : on ne voyait plus le village. Les berges douces firent bientôt place à des rocs sombres, sur lesquels se tenaient des arbres qui frémissaient au gré du vent. Bientôt, les flots se séparèrent en deux bras. Allons bon, se dit la petite fille, quel chemin dois-je prendre ?

« Les deux mènent au même endroit, répondit une voix à la fois mystérieuse et rassurante.

— Qui es-tu ? s’enquit la fillette.

— Je suis l’esprit de cette rivière. Tu peux choisir l’un ou l’autre de ces chemins, tous deux sont sans danger. L’un va vite et traverse des roches dénudées, l’autre décrit des méandres et permet de découvrir une flore étonnante.

— Et où mènent-ils ?

— A une petite maison où vit la vieille Aëlys. Elle aussi emprunta ce chemin, par deux fois : quand elle avait à peu près ton âge – tu lui ressembles beaucoup, d’ailleurs – et quand les villageois la menacèrent.

— Pourquoi ?

— Je l’ignore. Peut-être les arbres, les arbustes et fleurs le savent-ils… Ecoute leur murmure : ils ne te parleront pas directement, mais ils se racontent tout ce qui se passe dans cette forêt.

— Dans ce cas, je prends le chemin qui décrit des méandres. »

L’esprit de la rivière illumina le bras choisi par la fillette, qui ouvrit ses oreilles en grand pour écouter ce qui se disait.

D’abord, elle ne perçut que le bruit du vent, puis elle entendit des mots susurrés furtivement : le prénom de sa mère-grand, « loup », « tombée de la nuit », et un étrange phrase : « pour ce soir, peut-être, la fin pour l’une, le début pour l’autre ».

La fillette avait mangé tout le pain et bu tout le lait quand elle arriva, juste avant la tombée de la nuit, au confluent des deux bras de la rivière, qui se rejoignait près d’une colline sur laquelle se tenait une petite maison en bois. La fillette accosta, et se dirigea vers la maisonnette. Elle frappa trois coups. Une voix éraillée lui répondit :

« Qui es-tu ?

— Je suis votre petite-fille.

— Oooh, quelle heureuse surprise ! Entre, entre donc !

— C’est que la porte est fermée, et je ne sais pas comment l’ouvrir.

— Tire la chevillette ; la bobinette cherra. »

C’est ce qui fit l’enfant. Petite-fille et mère-grand se saluèrent, s’observèrent : toutes deux avaient les mêmes yeux dorés, le même nez un peu long, le même sourire… La galette et le petit pot de beurre furent vite mangés.

— Tu as donc retrouvé mon petit chaperon rouge, dit Aëlys. J’avais ton âge quand je portais. Un jour, je suis venue ici ; j’avais tellement soif que je me suis penchée sur la rivière pour boire.

— L’esprit de la rivière t’a parlé ?

— Non, pas à ce moment-là, mais il m’avait parlé avant, puis il m’a parlé après… Tu es la seule autre à qui j’ai parlé depuis que j’ai dû venir vivre ici.

— Pourquoi vis-tu dans la forêt ? Tu n’as pas peur du loup dont tout le monde parle ? »

La nuit commençait à tomber. La vieille dame ne répondit pas, mais tressaillit et s’assit sur son lit.

« Mère-grand ? Ça va ? Que t’arrive-t-il ?

— Ce n’est rien, rien du tout… Tu ne devrais pas rester là…

— Mère-grand, s’inquiéta la fillette, que vous avez de grands yeux, tout à coup !

— C’est pour mieux te voir, mon enfant. »

Sa voix avait changé : elle était légèrement plus grave.

« Mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !

— C’est pour mieux t’entendre, mon enfant.

— Mère-grand, que vous avez de grands bras !

— C’est pour mieux t’embrasser, mon enfant. »

La voix devenait plus rauque.

« Mère-grand, que vous avez de grandes jambes !

— C’est pour mieux courir, mon enfant.

— Mère-grand, que vous avez de grandes dents ! »

Pas de réponse. La fillette recula et s’aperçut alors que sa mère-grand était devenue un loup.

« Mère-grand ? » fit-elle d’une petite voix timide.

Pour toute réponse, un hurlement glaçant se fit entendre. De grandes dents pour mieux me manger ? se dit l’enfant. Certainement pas !

Elle se précipita hors de la maison, poursuivie par le loup. Il faisait nuit, elle ne voyait pas la barque. Tant pis : elle sauterait dans la rivière. Elle atteignit la berge au moment où les mâchoires du loup allaient se refermer sur sa nuque, sauta aussi loin que possible ; elle avala de l’eau en sautant, suffoqua, revint à la surface.

Les nuages qui masquaient le clair de lune s’étaient écartés, éclairant le rivage. L’enfant distingua enfin la barque, et se hissa dessus. Sur la rive, sa mère-grand était redevenue humaine et toussait, crachait, respirait bruyamment, comme réveillée d’un long cauchemar.

La petite fille entendit les murmures des arbres, mieux qu’elle ne les avait entendus en venant :

« Cette colline se nomme le Pas du Loup. Jadis y vivait une louve noire aux yeux dorés avec ses deux petits, mais des humains sont venus et les ont tués, et leur sang se répandit dans la rivière.

Peu de temps après, une fillette orpheline qui vivait dans la dernière maison du village à l’orée du bois se perdit dans les bois, et assoiffée se pencha et but de l’eau au Pas du Loup. Comme tout humain qui osait revenir en ces lieux, elle aurait dû être entraînée par les flots et se noyer, mais c’était une enfant, et elle avait les cheveux noirs et les yeux dorés. Alors, l’esprit de la louve la protégea, et lui fit le don de se changer chaque nuit en loup. Ainsi, après avoir passé toute la nuit dans la forêt, la petite Aëlys revint au village le lendemain matin. Elle avait égaré son petit capuchon rouge, ses vêtements étaient déchirés, mais elle était saine et sauve.

Toutefois, les autres humains prirent peur d’elle ; la panique s’empara du village quand on retrouva les corps de tous ceux qui avaient participé au meurtre de la louve et de ses petits. L’enfant s’enfuit, et ce n’est que bien plus tard qu’elle vint s’installer ici, dans la forêt, à l’abri des humains et pour les protéger. En effet, une fois la nuit tombée et jusqu’au lever du jour, elle est louve, et perçoit tout humain comme une menace. Craignant de se réveiller un matin et de découvrir avec horreur qu’elle avait mangé son mari et sa fille qui venait de naître, elle préféra les quitter.

Mais l’esprit de la louve assassinée avait prévenu : si un autre enfant aux cheveux noirs et aux yeux dorés venaient à boire au Pas du Loup, le don lui serait aussitôt transmis et cesserait pour Aëlys. »

La phrase étrange de tout à l’heure prenait tout son sens : la fin pour l’une, le début pour l’autre. La louve noire avait repris le don fait à sa mère-grand pour le lui transmettre. Elle entendait mieux, voyait mieux, sentait mieux, était plus forte, courait plus vite…

Le lendemain matin, mère-grand et petite fille rentrèrent au village. Cependant, chaque jour avant la tombée de la nuit, la fillette aux yeux dorés et aux cheveux noirs recouverts d’un petit chaperon rouge se rendait dans la forêt…

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